Le Logement d’abord
Un témoignage de Rémi, accompagnateur psychosocial de l’équipe Housing First Station Logement
Il y aurait plus de 4000 sans-abris à Bruxelles. Derrière ce terme se cachent des êtres humains, avec leur histoire, leurs forces, leurs faiblesses et leurs blessures. Un logement leur est d'abord nécessaire pour se reconstruire, quoi de plus normal ? Bien que la rue soit dangereuse, l’indifférence l’est encore plus.
Non, ils n’ont pas choisi. Reconnaissons, en tant que citoyen, en tant que collectivité, notre part de responsabilité.
À Station Logement, le projet Housing first de l’asbl DIOGENES, les travailleurs sociaux prennent ce problème à bras le corps, en partenariat avec ceux qui vivent en rue.
Georges a passé 8 ans sur le pavé. Il ne croyait plus en rien, sa santé s’est détériorée et il a perdu tout contact avec sa famille.
Souad a alterné les centres d’hébergement, les hospitalisations et les cartons à la gare du midi. Cinq ans de sa vie qui se confondent dans des souvenirs très flous.
Ivan sort de prison mais personne ne peut l’accueillir. Perdu dans un labyrinthe bureaucratique, il n’arrive pas à obtenir un revenu. Il s’installe dans un parc. Là au moins, il garde le contrôle de quelque chose.
Dieudonné entend des voix. On le prend pour un fou. Il se replie, s’isole et se recroqueville dans une carapace. Seul, il marche inlassablement dans le métro. Son errance dure quatre ans.
L’équipe de Station Logement s’est démenée pour leur trouver à chacun un appartement convenable, où ils pourraient se sentir chez eux, aux mêmes conditions que n’importe quel autre citoyen.
Les propriétaires ne sont pas faciles à convaincre, et les logements bon marché se font de plus en plus rares. Pourtant, après trois ans d’existence, nous avons relogé trente personnes qui ont toutes réussi à conserver leur appartement, quels que soient leurs problèmes. La drogue, l'alcool, la maladie, la solitude, les troubles mentaux, tout cela a pu être géré, assumé et dépassé grâce au fait qu’ils se sentent enfin chez eux.
Nous les avons aidés à emménager, avons choisi leur meubles avec eux et prenons régulièrement de leurs nouvelles, autour d’un café, chez eux où sur une terrasse, sous le regard alerte d’un serveur qui les considère enfin comme des clients normaux.
Ils payent leur loyer, décorent leur lieu de vie et font des projets. Pour certains, c’est le moment d’agir sérieusement contre cette addiction qu’ils ont héritée de la rue. Pour d’autres, c’est l’occasion de reprendre contact avec leur dignité retrouvée, avec une famille oubliée. Le point de départ, c’est de se sentir chez soi. Sans logement, sans lieu de repli, sans intimité, rien de tout cela n’aurait été possible.
Le projet Housing First Station Logement de DIOGENES défend cette approche. Un logement d’abord. Le reste, que ce soit la cure, le traitement, le travail, les projets, suivra en temps voulu.
À présent qu’ils ne sont plus enfermés dehors, on se rend compte qu’ils nous ressemblent...